Les lauriers de l’échec

Une des grandes forces des managers publiques, aussi connus sous le sobriquet de politiques, est de faire passer leur volonté politique pour être le bien de tous, le mieux qu’ils portent. Ce faisant ils emportent l’adhésion du peuple et sont investi d’un blanc seing pour arriver à leur fin.

Des éditorialistes flamands aux commentateurs francophones tout le monde s’était étonné de voir le CD&V acclamer Yves Leterme au soir de l’échec de sa deuxième tentative de formation d’un gouvernement fédéral. J’ai de plus en plus la conviction que l’on acclamait le pompier pyromane. Que ces mains félicitaient celui qui avait embrasé la maison Belgique, brûlé le Pacte des Belges et qui blindé de sa force politique, dernier rempart avant la liste De Decker et/ou le Vlaams Belang allait malgré tout pouvoir continuer à damer le pion aux bonnes vielles habitudes politiques du Royaume pour donner à son programme une forme non pas théorique et prospective (une commission pour réformer l’Etat) mais concrète, ancrée dans le réel. La double formation de Leterme est, et il s’en ouvre publiquement dans les colonnes du Standaard de ce week-end, la manière de faire plier les francophones. On n’a pas en effet l’habitude de voir le futur premier ministre d’un pays y semer la guérilla et y pratiquer la technique de la terre brûlée, on en attendait un peu sottement autre chose.

J’avais au lendemain du 7 novembre pour mon usage propre tenté de dresser la carte des positions politiques des partis belges à l’égard du besoin de gouvernement. C’est ce besoin qui semble guider les décisions du Roi, animer les inquiétudes des patrons francophones, permettre à Guy Verhofstadt de faire un bis repetitas (en juin les élections en décembre toujours en fonction), ou faire descendre le Belge dans la rue. Or comme le prouvent ces 6 derniers mois, le besoin de gouvernement est tout relatif. Le PS a moultes fois rappelé qu’en Wallonie on bossait. Les Flamands n’ont guère montré d’inquiétude dans l’intervalle et Bruxelles n’a toujours pas brûlé.

L’absence de gouvernement, l’interminable formation, l’impossible compromis, ce carrousel peut encore tourner longtemps tant qu’il sert les objectifs du premier parti de Flandre, préparer le pays à ne plus être le même, assouvir les fantasmes nationalistes et barrer la route à plus nationalistes qu’eux. La Flandre ne prend pas de grands risques. Son économie dépend plus des tensions sur le marché du travail que de la confiance des investisseurs. Bruxelles et la Wallonie qui pour son parc immobilier ou son secteur tertiaire, qui pour son plan Marshall sont bien plus dépendantes d’une image positive du pays et donc de la conclusion d’un accord de gouvernement qui viendra rasséréner les étrangers qui on les comprend n’y comprennent plus rien sinon que ça ne va pas fort en Belgique.

J’aime bien l’angle d’attaque de Jean Quatremer sur la question de l’aveuglement francophone, qui se nourrit encore de guéguerre d’égo, et qui rappelle que depuis 1999 le parlement flamand a entériné ce qui aujourd’hui se retrouve encore sur la table. La tactique de la sourde oreille pratiquée ces 8 dernières années est-elle plus condamnable que la tactique de la terre brûlée ? On laisse entendre à de rares moments que toutes les possibilités de rupture sont envisagées par des universitaires francophones et les politiques, dès lors laisser lanterner Leterme, son cartel et la Flandre est-il un risque calculé ? La douce route vers le clash est-elle aussi assumée et préparée de ce côté-ci des polders ? Car de l’autre côté Leterme ne cède aucune once de terrain et continue à saper ce qu’il peut pour toujours remettre son programme et son poids au cÅ“ur d’un débat que certains doivent vouloir inextricable pour que de guerre lasse tous conviennent qu’il est sage d’en finir.

On oserait le croire mais au vu de la capacité à prévoir des politiques du Sud du pays on peut largement en douter. Pourtant ce samedi Yves Leterme à son habitude accuse d’autres de ses échecs, stigmatisent les médias du Sud à défaut de pouvoir s’accepter piètre communicateur, et fait usage de son pitoyable « humour » pour montrer toute la bêtise et le manque de tact que ses desseins recèlent. N’est-ce pas mieux que de la rancune, une manière plus claire de faire connaitre son programme : laisser debout le minimum ?

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